Libéralisme et catholicisme, de l'abbé Roussel
Cet ouvrage est la réimpression de l’édition parue initialement en 1926. Son auteur, né en 1888 (à Fougères, Ille-et-Vilaine), fut ordonné prêtre en 1914 et, titulaire d’un doctorat en philosophie, exerça la fonction de professeur au Grand séminaire de Rennes.
Sur la couverture, en guise de sous-titre, figure la question suivante : Le libéralisme serait-il le Cheval de Troie utilisé par les « ennemis de Dieu » ? à laquelle M. l’abbé Roussel donne la réponse dans son analyse magistrale de ce qu’il considère comme un fléau. Une étude qui conserve toute son actualité, presque un siècle après son édition d’origine, tant elle rappelle combien il est nécessaire d’être antilibéral pour demeurer réellement catholique.
Et, aujourd’hui, plus que jamais, il est devenu indispensable de le rappeler, de l’exposer et de l’exprimer, tant cette notion imprègne la grande majorité des fidèles catholiques en toute bonne foi, car pratiquement plus personne dans les milieux « autorisés » n’est en mesure de démêler un écheveau qui paraît très difficile à expliciter.
Le livre de l’abbé Roussel présente la qualité rare d’être d’une grande clarté pour le lecteur qui prend la peine d’en effectuer la lecture. Dès les premières lignes de son introduction, il indique les principales questions auxquelles il se propose de répondre : Qu’est-ce que le libéralisme ? Quelles sont ses origines ? Ses principales manifestations, son développement logique ? Comment le qualifier et le réfuter ?
Pour ce faire, il a découpé sa démonstration en deux parties : 1/ Ce qu’est le libéralisme en général, 2/ Ce qu’est le libéralisme dit « catholique ». Cette séparation est très pédagogique, car le terme de libéral ou de libéralisme est très ambigu, très équivoque, qu’il décrit en ces termes :
« La tâche est des plus malaisées ; le libéralisme, en effet, pris dans son ensemble, est quelque chose de vague, d’incertain, d’indéterminé, qui, s’étendant à tous les domaines (philosophie, théologie, morale, droit, économie…), apparaît partout comme essentiellement variable au gré des personnes et des circonstances. D’où l’extrême difficulté de saisir ce protée qui prend à volonté toutes les formes, tous les visages, y compris le masque de la vérité et de la vertu ». Partant de ce postulat, le constat qui en résulte est le suivant : « Le libéral veut affirmer la pleine indépendance de tout homme dans l’ordre religieux, la liberté de croire ce qu’il voudra ou même de ne rien croire du tout ; c’est le droit à l’erreur et à l’apostasie, c’est le droit d’exiger au surplus que les lois de son pays tiennent compte de son scepticisme, de son incroyance ».
Et sa définition tombe comme un couperet : « Le libéralisme, chaos d’erreurs, monstre informe, est comme le protestantisme, le kantisme, le laïcisme, le modernisme, le rendez-vous de toutes les hérésies. Par son éclectisme universel, il est même l’hérésie-type, radicale ; il contient toutes les autres comme leur principe et leur source. Cette description permet d’en saisir la nature profonde et conduit à la définition du libéralisme : c’est avant tout le renversement des valeurs, la contradiction de la loi et de l’ordre ». Ainsi, il n’est ni une doctrine cohérente, ni un système formulé, mais une maladie de l’esprit, une perversion du sentiment à base d’orgueil. Et M. l’abbé Roussel achève sa description par ces mots : « Le libéralisme apparaît alors comme l’affection déréglée de l’homme pour la liberté-indépendance qui le rend impatient de la limite et du lien, du joug et de la discipline, de la loi et de l’autorité. C’est la perversion radicale opposée à la sagesse et c’est la parodie de l’ordre. Le libéralisme voit tout du point de vue humain et souvent même du côté de ce qu’il y a de moins noble de l’homme, et il dispose tout par rapport à cette vue défectueuse ; puis la corruption de l’intelligence engendre le dérèglement des affections, finalement le désordre dans l’action. A ce degré, le libéralisme est une passion, un fanatisme, une religion… une maladie presque incurable ».
Ayant alors défini le sens général du libéralisme, envisagé soit comme système, soit comme état d’esprit, le connaissant ainsi beaucoup mieux, l’abbé Roussel consacre la suite de son livre à analyser son développement historique, formuler sa synthèse et, l’ayant démasqué, indiquer les remèdes les mieux appropriés pour s’en prémunir ou s’en guérir.
Sans entrer dans les détails, nous mentionnons les grandes étapes de sa « montée en puissance », depuis ses origines premières jusqu’à « son état actuel », insistant sur le fait que le géniteur du libéralisme fut naturellement le premier révolté, Satan, refusant avec orgueil le don surnaturel de la grâce, puis entraînant derrière lui la kyrielle de ses adeptes ou suppôts : Luther et le protestantisme, le naturalisme, le rationalisme, la philosophie « séparée » de Descartes et Kant, le philosophisme (Bayle, Diderot, Voltaire), issu logiquement du protestantisme (par Locke et Hume), la philosophie révolutionnaire de Rousseau, le romantisme (Mme de Staël, Chateaubriand, Michelet, Hugo) et le libéralisme moderne (Tolstoï, Jaurès, Buisson). Suit l’application du libéralisme en matière politique et sociale (en particulier la laïcisation universelle et la guerre faite à la hiérarchie catholique, autonomie de l’homme, liberté de conscience).
Une deuxième partie, plus développée (puisqu’il s’agit de l’objet du contenu du livre) décrit avec acuité ce que recouvre le « libéralisme catholique », ponctuée par les grands thèmes sempiternellement répétés par ses adeptes et les noms célèbres qui se sont fourvoyés dans une telle hérésie : l’école « catholique-libérale » et ce qu’elle n’est pas, ses diverses formes, son incohérence foncière, sa mentalité, sa pratique générale (souci de la paix, attitude charitable, conduite prudente, sens des réalités), fausseté de l’esprit, les relations avec l’État laïc et républicain, séparation du public et du privé, laïcisme et laïcité, l’équivoque démocratique, note sur le ralliement, etc. Les noms défilent : Félicité de Lamennais, Montalembert, Mgr Dupanloup, Lacordaire (qui se flattera de mourir « libéral impénitent »), Mgr Magret, professeur de théologie à la Sorbonne, etc.
Dans sa conclusion, l’abbé Roussel expose pour quelles raisons « le catholique-libéral est très dangereux ». En voici les principaux points : sous couleur d’apostolat, il corrompt la mentalité catholique, sans éclairer ni gagner l’adversaire ; il rend l’erreur aimable, le mal acceptable et par là presque incurable ; il obnubile les esprits, fausse la conscience, énerve les convictions et les courages ; il atténue et tait même le nom du programme catholique ; il facilite les avancées de l’ennemi et lui rend possible la victoire.
Les pages du dernier chapitre sont d’un grand intérêt, exposant quels remèdes doivent être appliqués pour guérir ceux qui sont atteints de libéralisme et dénonçant « le danger et l’abus des mots », car le catholique-libéral aime l’équivoque des mots et la confusion des idées, car c’est par là qu’il mélange les principes, qu’il se trompe et fait des dupes autour de lui.
Pour notre conclusion, nous en appelons à Mgr Lefebvre : dans les années 1980, ce titre avait fait l’objet d’une réimpression à tirage limité qui avait reçu son approbation exprimée en ces termes : « Le livre de l’abbé Roussel donne une parfaite idée du libéralisme et des dangers du catholicisme libéral, qui a proliféré à l’occasion du ralliement, s’est développé dans le sillonisme, le modernisme et le progressisme, pour triompher à l’occasion du concile pastoral d’aggiornamento de Vatican II, et enfin détruire tout ce qui restait de spécifiquement catholique dans la foi, la morale, la liturgie, dans les institutions de l’Église par l’application œcuménique et démocratique ».
Jérôme SEGUIN
PS. Malgré de longues recherches effectuées, il n’a pas été possible de trouver plus amples renseignements et précisions sur M. l’abbé Roussel que les courtes lignes mentionnées en début de cet article. Par ailleurs, à titre d’information et de documentation, nous pensons utile de rappeler ici les travaux d’un autre prêtre sur le même sujet, un prêtre qui nous est cher en raison de ses origines poitevines. Il s’agit de l’abbé Emmanuel Barbier, contemporain de l’abbé Roussel, mais un peu plus âgé que lui, puisqu’il était né à Poitiers en 1851 (M. l’abbé Roussel le cite à plusieurs reprises, le définissant comme « spécialiste redoutable en fait de critique du libéralisme»).
Appartenant à la Compagnie de Jésus, il fut nommé par ses supérieurs, en 1887, recteur de l’externat Saint-Ignace, à Paris, puis fut affecté, en 1895, au collège Saint-Joseph de Poitiers. Il quitta ensuite la congrégation des Jésuites, en raison d’un conflit d’orientation et fut incardiné dans le diocèse de Poitiers, en 1905. Dès lors il se consacra entièrement à mener une action anti-libérale et anti-maçonnique qui eut un grand retentissement dans les milieux catholiques et conservateurs. En 1908, il fonda, dirigea et rédigea la revue La Critique du libéralisme et publia peu après un livre « explosif », Les Infiltrations maçonniques dans l’Église (Éditions Desclée De Brouwer, 1911), faisant de lui un des maîtres de la défense du catholicisme intégral.
Jusqu’à sa mort (en 1924), il ne cessa de poursuivre ses recherches, publiant plusieurs autres livres : Cas de conscience (examen de la position des catholiques français devant le régime républicain), puis trois gros ouvrages hostiles aux « chrétiens de gauche », Rome et l’Action libérale populaire ; Les Démocrates chrétiens et le modernisme et Le Devoir politique des catholiques, complétés par trois autres volumes traitant du Sillon et de Marc Sangnier. Nous mentionnons aussi Les Origines du Christianisme (apologie méthodique extraite des œuvres de l’évêque d’Angers, Mgr Freppel). Et son œuvre maîtresse reste une monumentale Histoire du catholicisme libéral et du catholicisme social en France, couvrant la période de 1870 à 1914, parue peu avant sa mort. Certains de ses titres, récemment réédités, sont disponibles.
L’abbé Ange Roussel naquit en 1884 à Fougères. Il fut ordonné prêtre en 1914. Il devint professeur au Grand Séminaire de Rennes et docteur en philosophie. Son ouvrage, sous-titré « le libéralisme serait-il le cheval de Troie utilisé par les ennemis de Dieu ? », conserve toute sa pertinence, bien que sa première publication date de 1926. En effet, l’erreur qui consiste à se dire catholique et libéral, ou libéral et catholique persiste encore de nos jours. Comme l’écrit l’auteur : « de nombreuses erreurs vieillissent bien ». Certains oxymores sont malheureusement trop courants et ils empoisonnent l’esprit. Catholique et libéral n’est pas le seul contre sens intellectuel qui pullule dans notre époque. Effectivement, nous entendons et lisons encore des personnes qui se disent de droite républicaine. Ceci est un autre sujet, quoique…
L’auteur commence son propos de la manière suivante : « le terme libéral, comme celui de liberté d’où il procède, plaît à une foule attentive ; à cause de son imprécision sonore elle-même, en effet, il est facilement entendu et pourtant il permet à chacun de choisir et d’applaudir, parmi les multiples sens qu’il revêt, celui qui répond mieux à ses convictions, à ses sentiments, à ses intérêts. » Il poursuit : « le libéralisme pris dans son ensemble, est quelque chose de vague, d’incertain, d’indéterminé, qui s’étendant à tous les domaines, philosophie, théologie, morale, droit, économie… apparaît comme essentiellement variable au gré des personnes et des circonstances ». La capacité de séduction du terme libéralisme tient au fait que chacun individu peut l’adopter, car il a la liberté de donner à ce terme le sens qui lui convient le mieux. Le libéralisme en tant que concept se montre donc difficile « à saisir, car il prend à volonté toutes les formes, tous les visages, y compris le masque de la vérité et de la vertu. » Il développe sa pensée de la manière suivante : « le catholique libéral n’est pas en effet un type uniforme ; c’est plutôt un portrait composite qui autorise des différences considérables ». Pourtant l’abbé Roussel arrive malgré tout à le démasquer. Le libéralisme, notamment en France, s’appuie sur une histoire intellectuelle et politique connue : « Sous la Restauration, le parti libéral comprenait les disciples de Voltaire et de Rousseau, tout imbus des principes de 89, ennemis de la monarchie catholique et de l’Eglise romaine, dévots des libertés modernes conçues comme une conquête définitive, comme un idéal intangible dont ils se faisaient les ardents prosélytes. » La liberté est sans cesse revendiquée, martelée, criée et mise à toutes les sauces. Elle figure même au premier rang de la trinité républicaine : liberté, égalité, fraternité. La notion de liberté se comprend souvent comme une jouissance sans entrave reposant sur les seuls instincts humains. L’auteur rappelle que : « le catholique affirme et maintient deux principes : la réalité du libre arbitre de l’homme contre les déterminismes ; sa nécessaire dépendance vis-à-vis de Dieu, de ses lois et des autorités qui procèdent de Lui. Venant de Dieu, il retourne à Dieu librement mais obligatoirement et conformément à ses prescriptions, il doit obéir à la nécessite morale, au devoir et à la loi. C’est là, ce qu’on appelle l’usage rationnel du libre arbitre. » En comparaison : « le libéral, au contraire, commence par brouiller ces notions, et, à la faveur des équivoques ainsi rendues possibles, ne manque pas d’ériger en droits absolus, ses désirs, ses volontés, ses caprices. Du libre arbitre, souvent il n’a cure ; il est même volontiers déterministe ; mais s’il rejette le libre arbitre, ce n’est que pour étendre davantage la liberté morale en se soustrayant ainsi à toute autorité, à toute responsabilité. Il finit de sorte par confondre parfaitement liberté et indépendance. » Concrètement, comme l’expose l’abbé Roussel : « la liberté catholique se divinise en se soumettant à Dieu, la liberté libérale se détruit en se faisant Dieu. »
Toutefois, il ne faudrait pas tomber dans le piège de penser que le libéralisme émane de la pensée philosophique du XVIIIème siècle : « le terme de libéralisme est assez récent ; il paraît dû à Madame de Staël, mais la chose est vieille comme le monde. Le père du libéralisme fut naturellement le premier révolté, Satan lui-même. Refusant avec orgueil le don surnaturel et obligatoire de la grâce pour ne pas dépendre davantage de son Auteur et Bienfaiteur, prétendant y atteindre par ses propres forces, considérant avec complaisance l’excellence de sa splendide nature, il lança dans les profondeurs du Ciel le premier cri de rébellion : « non serviam », je n’obéirai pas. » Léon XIII également rattache à Satan l’origine du libéralisme : « mais il en est un grand nombre qui, à l’exemple de Lucifer, de qui est le mot criminel « je ne servirai pas », entendent par ce mot « liberté », ce qui n’est qu’une pure et absurde licence. » Après avoir expliqué les erreurs fondamentales du libéralisme, l’abbé Roussel détaille les différents avatars de ce dernier : protestantisme (Luther et Calvin), naturalisme (Renaissance), rationalisme (Kant), philosophisme (Voltaire Diderot), philosophie révolutionnaire (Rousseau), romantisme (Staël, Chateaubriand, Hugo, Michelet), le libéralisme moderne (Jaurès, Tolstoï), pour mieux expliquer leurs erreurs et les contre-sens intellectuels qu’ils promeuvent. Aujourd’hui, mais déjà hier, les libéraux reconnaissent : « la Déclaration des Droits de l’Homme comme leur Credo. Au nom de la liberté de conscience, ils tentent d’absorber l’Eglise par la Constitution Civile du Clergé. Ayant échoué en somme, ils instituent une savante et odieuse persécution légale et poursuivent la religion catholique sur tous les terrains ; une seule puissance doit demeurer debout au milieu du désert des libertés en ruine, la leur. » Ces mots renvoient à notre triste actualité, avec les attaques incessantes contre tout ce qui touche de près ou de loin au catholicisme : vols dans les Eglises au milieu de l’indifférence générale, la République par la voix du Conseil d’Etat qui interdit les crèches dans les mairies pendant que les islamistes prient dans les rues de grandes villes de France sans la moindre contrariété et avec la protection des forces de police, associations « humanistes » qui désirent faire retirer les croix et autres calvaires de nos paysages, attaques continuelles contre les écoles catholiques, etc. L’abbé Roussel poursuit la justesse de son analyse en dénonçant le constat suivant : « les forces gouvernementales, la presse, l’enseignement, etc, sont au service du libéralisme. Nous n’avons ni argent, ni pouvoir, ni influence ! Nous sommes si peu de choses en face d’un mal si grand ! » Pour rappel, ce livre est paru pour la première fois en 1926. Depuis la situation s’est dégradée à une telle vitesse… De fait, le libéralisme catholique continue malheureusement de prospérer en ce début de XXIème siècle en dépit des vicissitudes de son historie troublée : « Depuis le Ralliement, surtout les catholiques libéraux malmenés par Pie IX se sont-ils empressés de changer de nom. Ils s’intitulent aujourd’hui catholiques sociaux ou démocrates-chrétiens ; mais la mentalité demeure la même parce que les principes et l’attitude n’ont point changé. Le Démocratisme continue authentiquement le libéralisme. » A ce titre, nous conseillons la lecture et l’étude de Charles Maignen intitulée La souveraineté du peuple est une hérésie qui permet d’enrichir notre réflexion sur la forme du gouvernement, les rapports entre le peuple et l’Etat, l’Etat et Dieu, le peuple et Dieu…
Il convient donc de préciser que le problème doctrinal des libéraux reste entier. Ils estiment que l’homme et son jugement personnel peuvent être la source et la justification de toutes les questions métaphysiques d’ici bas. Ils se trompent lourdement car : « Il n’est pas vrai que la raison humaine soit source de vérité et mesure des choses. Dans l’ordre naturel l’intelligence est soumise à l’objet, au réel, aux lois de la logique, à la direction des premiers principes. Dans l’ordre surnaturel, elle est tenue de se soumettre à la parole de Dieu, elle a l’obligation rigoureuse d’adhérer aux mystères de la foi, d’écouter l’Eglise et d’accepter son enseignement. » Ainsi le catholique libéral est très dangereux : « en cherchant toujours des accommodements impossibles entre la vérité et l’erreur, entre le bien et le mal, entre la pure doctrine et les prétendues exigences d’une science hypothétique, en substituant les expédients aux principes, les compromis douteux aux jugements fermes, il obnubile les esprits, entrave leur rectitude d’appréciation, fausse la conscience… » En réponse à ses pertinentes remarques, les libéraux avancent leur libéralité et leur générosité. Pour autant, comme le dit l’adage : « l’enfer est pavé de bonnes intentions. » L’abbé Roussel répond fermement mais avec douceur à l’argument des bons sentiments en expliquant que : « la pureté des intentions, la générosité du coeur, l’ardeur de l’éloquence, ne remplaceront jamais une solide doctrine ». Le souci réel avec les libéraux dits catholiques reste leur prétention à se dire amis des catholiques authentiques. Or, comme l’écrit justement l’abbé Roussel : « un franc ennemi, un adversaire déclaré est moins dangereux que ces faux amis, ces lâcheurs de l’intérieur. » Il faut comprendre, selon lui, que « le libéralisme est encore moins une doctrine cohérente, un système formulé, qu’une malade de l’esprit, une perversion du sentiment à base d’orgueil, une orientation plutôt qu’une école, un état d’esprit avant d’être une secte. Le libéralisme apparaît alors comme l’affection déréglée de l’homme pour la liberté-indépendance qui le rend impatient de la limite et du lien, du joug et de la discipline, de la loi et de l’autorité. » Il demeure vital : « de ne pas point confondre la vraie liberté qui est une liberté ordonnée avec la fausse liberté ou licence qui n’est qu’une liberté anarchique, liberté de perdition. Loin que l’homme soit libre absolument, il est soumis à toutes sortes d’autorités, entouré de liens tutélaires ; se conformer à l’ordre tel est son devoir essentiel, et la condition de sa perfection suprême. » Il n’y a rien à rajouter tant les propos sont limpides et conformes à la doctrine catholique de toujours.
L’abbé Roussel nous offre un livre doctrinal remarquable, par la qualité et la pertinence de son analyse à l’endroit de cette chimère nommée catholicisme libéral. Ce livre est divisé en deux parties : la première traite du libéralisme en général, la seconde du libéralisme dit catholique. Cette saine distinction se montre pertinente, car elle permet de comprendre les dégâts causés par le libéralisme dans le courant philosophique, et de constater les dérives intellectuelles qu’il engendre dans la pensée catholique. Roussel définit les erreurs du libéralisme et mentionne les fondements doctrinaux du catholicisme. Les deux pensées se révèlent diamétralement opposées, nonobstant les fanfaronnades des libéraux dits catholiques qui prétendent le contraire. Nul besoin d’être un docteur en philosophie ou en théologie pour apprécier et comprendre les idées développées par l’auteur. L’ensemble se veut accessible au plus grand nombre, grâce à un style direct qui ne s’embarrasse guère de formulations abstraites et alambiquées. Cependant cette facilité pédagogique ne donne pas un livre simpliste voire peu profond intellectuellement. Bien au contraire, l’auteur balaie les différentes erreurs libérales en étant constamment pédagogue, et en fondant ses démonstrations sur les penseurs les plus surs – notamment Saint Thomas d’Aquin et Saint Pie X – non suspects de sympathie pour le libéralisme. Néanmoins sa position concernant Inter sollicitudines de Léon XIII étonnera plus d’un catholique authentique, mais elle peut éventuellement se comprendre dans le contexte, sans forcément l’approuver… Au demeurant, elle ne se montre guère dérangeante concernant la justesse intellectuelle de ce livre, car elle n’en constitue ni le coeur, ni un thème majeur. Pour conclure, nous recommandons vivement la lecture de cet ouvrage qui permet de comprendre la nature profonde du catholicisme et de dévoiler les moultes erreurs du libéralisme, ce cheval de Troie utilisé par les ennemis du catholicisme…
Franck ABED