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Motifs et raisons de l’insurrection vendéenne (1793)

Entretien avec Henri Servien (extrait)
Lecture et Tradition : En ce mois de mars 2013, nous commémorons le 220e anniversaire du déclenchement des guerres de Vendée (1793). Bien que plusieurs de nos lecteurs doivent bien connaître la question, il nous semble important, pour les plus jeunes d’entre eux, de leur rappeler les motifs et les raisons de cette insurrection. 
Henri Servien : Il s’agit du soulèvement populaire, rural et religieux des habitants de l’Ouest de la France contre la Convention. Elle se déroula de 1793 à 1796 (avec une brève interruption de février à juin 1795). Durant les deux premières années, on peut dire que sept cent soixante-dix paroisses se soulevèrent contre la Révolution incarnée par la Convention. Sans doute il y eut ailleurs des soulèvements de même nature, mais il n’y eut qu’en « Vendée militaire » que se levèrent de véritables armées. Cette vaste zone d’environ 10 000 km² de superficie, peut se délimiter par la Loire au nord (entre Paimboeuf et Angers), l’océan Atlantique à l’ouest, des Sables d’Olonne à Parthenay au sud et de Parthenay à Angers à l’est.
L’insurrection, pour faire bref, est le résultat de plusieurs causes qui s’interpénètrent, se complètent et s’enchaînent. Parmi les causes matérielles, on trouve : les impôts trop lourds, la vente des biens nationaux aux bourgeois des villes, la perte de privilèges anciens (pour les « marches » de Bretagne par exemple). Mais les raisons principales, évoquées partout, sont les bouleversements apportés par la Constitution civile du clergé qui entendait régir l’Eglise de France. Les premiers troubles apparurent avec l’installation par la force de curés « jureurs » dans les paroisses. Or les populations de cette région avaient une « piété forte, régulière, communautaire ». Ils étaient très proches de leurs prêtres.
Il est à noter que ni les changements administratifs (les départements) ou fiscaux, ni la nationalisation des biens du clergé, ni la suppression des ordres religieux ne suscitèrent de révoltes nettes. Des troubles parfois vifs mais sans lendemain. En revanche ce fut le cas avec la Constitution civile du clergé (12 juillet 1790) : les évêques et les curés seront désormais élus non par tous les paroissiens, mais par les « électeurs », principalement des bourgeois aisés souvent voltairiens. Sous peine de perdre fonctions et traitement, les ecclésiastiques doivent prêter serment. Ils sont mis sous la férule de l’Etat. L’Eglise est coupée de Rome.
Les premiers troubles éclatèrent à l’occasion des changements de curés. Car rapidement furent pris des décrets d’expulsion contre les prêtres « réfractaires », les « bons prêtres », fidèles à Rome. Ils furent internés avant d’être déportés hors de France. Au péril de leur vie, des fidèles cachèrent les autres prêtres devenus clandestins. Dans les Mauges, dans le Bocage, il y eut des attroupements et des bagarres. La déchristianisation imposée par les révolutionnaires fut ressentie par les gens de l’Ouest comme une violence insupportable. Dès les débuts de l’insurrection, les Vendéens (ainsi nommés parce qu’eurent lieu dans ce département les premières défaites républicaines), portent l’insigne du Sacré-Coeur, le chapelet et récitent leurs prières. Les paroisses qui se rassemblent, sont accompagnées par leurs curés réfractaires.
L’agitation augmenta avec les annonces de la mort du roi (apprise à la mi-février 1793). Elle s’accrut avec les décrets des 20-24 février 1793 qui imposaient le recrutement de 300 000 recrues pour l’armée des frontières. Il était précisé que les administrateurs civils et les gardes nationaux (les « patauds » comme les appelaient les paysans) ne partiraient pas à la guerre. Entre le 10 et le 15 mars, un peu partout, des jeunes gens convoqués pour tirer au sort, refusent et affrontent les gendarmes. Au début, les mots d’ordres paysans sont simples : ils refusent de partir se battre pour la République aux frontières et ils demandent le retour des « bons prêtres ». Ils choisirent leurs premiers chefs parmi les artisans ou les paysans puis allèrent chercher ceux qui avaient été officiers : les nobles revenus dans leur domaine suite au bouleversement révolutionnaire. Pendant les premières semaines, ces troupes improvisées allaient voler de succès en succès. L’épopée commençait.
Extrait du n° 23 – nouvelle série (mars 2013) de Lecture et Tradition

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