Les apparitions de L'Île-Bouchard, rempart et salut de la France. Entretien avec Élise Humbert
Lecture et Tradition : Vous nous avez habitué à vos petites enquêtes sur la Sainte Vierge avec Notre-Dame du Puy et Cotignac [1], mais à présent, en plus de régaler nos lecteurs, vous flattez notre chauvinisme, car L’Île-Bouchard n’est pas très loin de chez nous et nous y sommes très attachés, alors que nous vaut l’honneur que vous vous penchiez sur ce petit coin de Touraine ?
Élise Humbert : Tous les Tourangeaux seraient-ils chauvins ? L’attachement de notre prieur, Monsieur l’abbé Camper [2], pour sa Touraine natale, le désigne comme le principal instigateur des faits : c’est avec une allégresse quelque peu triomphaliste, il m’en souvient, qu’il m’a demandé, l’année dernière, de composer un scénario pour la kermesse de juin 2017, dont le thème serait l’anniversaire des apparitions de Notre-Dame à…
– … Fatima ?
– Mais non, à L’Île-Bouchard !
Une évidence pour lui, mais non pour les quelques paroissiens présents dont la plupart entendaient parler pour la première fois des apparitions de la Sainte Vierge, dans une bourgade inconnue, soixante-dix-ans auparavant ! Composer un scénario sur ce thème sacré, exercer des acteurs, dont de nombreux enfants, quelle heureuse perspective ! Cependant, en révisant l’histoire pour composer le texte, je me suis trouvée, une fois de plus, après Cotignac, après Le Puy, confrontée à une intervention de la Vierge Marie dans l’histoire de France. Intervention fulgurante qui sauva, in extremis, la patrie en danger, et qui reste cependant largement et injustement ignorée. Il restait juste assez de temps pour composer un modeste ouvrage avant le soixante-dixième anniversaire. J’ai refermé les pages d’un autre projet déjà sur le métier, et me suis mise sans attendre au travail. Je souhaite que le lecteur soit, comme j’en demeure encore, émerveillé de l’étonnante vocation de la Touraine, vocation qui remonte aux Druides qui structuraient toute leur société autour du culte de la Virgo parituræ, la Vierge qui doit enfanter ; vocation encore liée à Saint Martin de Tours, « l’infatigable apôtre des Gaules », à Clovis qui, sur le tombeau du saint, fait allégeance au Roi des Cieux et se détermine au baptême. Il faut encore citer les deux patronnes secondaires de la France : Sainte Jeanne d’Arc, en chemin pour rencontrer le dauphin à Chinon, s’arrête à L’Île-Bouchard afin d’y entendre la messe, et c’est à Tours qu’elle fait broder ses bandières ; de cette ville encore, elle envoie, sur l’ordre de ses voix, chercher l’épée de Charles Martel enfouie depuis près de sept siècles derrière l’autel de la chapelle de Sainte Catherine de Fierbois, tout près de L’Île-Bouchard. Quant à la petite sainte de Lisieux, elle complète son nom de religion, « Thérèse de l’Enfant Jésus », par celui de « la Sainte Face », dont l’image était en grande vénération à Tours. Parce qu’en Touraine la Foi rayonne, c’est en Touraine que s’acharne le démon jaloux et vindicatif en corrompant les masses ouvrières par l’idéologie communiste : au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, des grèves insurrectionnelles, des massacres, des sabotages, font redouter une guerre imminente qui ferait triompher les vues conquérantes de Staline sur la France puis sur l’Europe entière. Mais le 8 décembre 1947, à l’heure solaire de l’Angélus, une « Belle Dame » gracieuse et juvénile, accompagnée de l’Ange Gabriel, reconstitue pour quatre petites écolières émerveillées, la scène de l’Annonciation, gage du salut. Plus tard, elle délivrera son message : « Dites aux petits enfants de prier pour la France… Elle en a grand besoin ». A la prière des petites Tourangelles, en quelques jours, la France, est sauvée, de façon inexplicable, contre toute attente, et les belligérants, hier pleins de haine et de projets meurtriers, reprennent le travail dans la bonne entente. Commence alors une ère de paix et de prospérité dans notre pays. Aurait-on le cœur à reprocher aux Tourangeaux d’être chauvins ?
L. et T. : La simplicité de ces apparitions (comparable en cela à celle de Pontmain) en fait une spiritualité très émouvante, pouvez-vous nous en donner la quintessence ? et le but ?
E. H. : La France est en guerre, la France est en deuil, la France est dans l’angoisse, les Prussiens sont aux portes de Laval. « Mais priez, mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps, mon Fils se laisse toucher ». Le message s’inscrit, une nuit glaciale de l’hiver 1871, dans le ciel étoilé de Pontmain, aux yeux éblouis des enfants. Message concis, fugace même, qui se passe d’explications et de consignes supplémentaires. Les enfants, Monsieur le Curé, les sœurs de l’école, toute la paroisse se met en prière, « en peu de temps Dieu exauce » les supplications : l’ennemi, contre toute attente, renonce dans la nuit même à l’offensive, huit jours plus tard, l’armistice est signé. Moins de quatre-vingts ans vont s’écouler, la même sobriété présidera aux apparitions de L’Île-Bouchard, qui, remarquons-le, impliquent, comme à Pontmain, le village et la paroisse : la paisible campagne de Touraine, le village baigné par les eaux tranquilles de la Vienne, le charme de la vieille église romane, composent un cadre dont la simplicité touche au sacré. « La Belle Dame », l’Ange, les enfants, se trouvent dans une harmonie qui allie la pureté des messagers célestes à l’innocence du jeune âge. La Vierge vouvoie les enfants, elles l’appellent Madame, « Elle était jeune, mais nous lui disions Madame ». Les enfants sont à l’aise pourtant, naturelles, elles posent des questions pertinentes, parfois c’est un « cœur à cœur » silencieux précise Jacqueline, intime, personnel. Que l’on est loin de la familiarité de notre époque qui, en désacralisant la hiérarchie et en galvaudant l’autorité, les rendent incapables de transmettre des valeurs. Ce qui est merveilleux, à L’Île-Bouchard, ce qui est émouvant, c’est que le monde surnaturel, sans s’abaisser, vient confiner à celui de l’enfance. Comme le Verbe s’est fait chair pour toucher l’humanité, mais sans se départir de sa divinité, ici la Vierge se montre sous les traits d’une toute jeune fille pour être proche des fillettes, mais elle ne déprécie ni son rang ni sa dignité. Elle laisse ainsi toute sa force au message qu’elle délivre. Puissante comme une armée rangée en bataille, elle se repose sur la fragilité et la candeur, et confie à quatre petites filles le destin de la France. (lire la suite dans notre numéro…)
[1] – NDLR : voir les précédents ouvrages d'Élise Humbert parus aux Éditions de Chiré, Cotignac et la mission divine de la France (2015) et Notre-Dame du Puy. Histoire et fioretti (2016).
[2] – L'abbé François-Xavier Camper, supérieur du prieuré Saint-Irénée (Lyon), est l'auteur de la préface du livre d'E. Humbert (NDLR).
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