Recensions et notes de lecture

Le Saint Graal ou le vrai Calice de Jésus-Christ

Extrait de l’entretien avec M. l’abbé Bertrand Labouche au sujet de son livre (Éditions de Chiré, mars 2015)
Lecture et Tradition : Vous venez de publier cet ouvrage qui, à nos yeux, est du plus haut intérêt. D’une part, car il concerne une des plus précieuses reliques de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. D’autre part, car, à notre connaissance, jamais une telle étude n’est parue en langue française. Comment se fait-il que dans la somme considérable de livres et de traités d’apologétique et d’histoire de la religion catholique, le Saint Graal ait été ainsi « négligé » ? Comment, vous-même avez été amené à lui consacrer ce traité ?
Abbé Bertrand Labouche : En général, le Saint Graal a été plutôt considéré comme quelque chose de légendaire, d’où son absence dans les livres de doctrine catholique. D’autre part, aucun document historique le concernant n’apparaît avant l’année 1135 ; ce qui pourrait laisser croire que rien n’est certain quant au sort de la Coupe du Jeudi Saint après son utilisation par Notre Seigneur. C’est ce que je pensais également avant d’avoir pris connaissance de la première et remarquable étude scientifique réalisée en 1960 par le professeur Antonio Beltrán au sujet de cette Coupe. Ce qui m’amena à chercher des confirmations historiques, lesquelles sont plus abondantes que l’on ne croit ; par exemple, un ouvrage de référence, les Bollandistes, aux méthodes extrêmement rigoureuses, évoquent dans leurs Acta Sanctorum sa translation de Rome en Espagne par le biais de saint Laurent. J’ai aussi pu constater le grand intérêt que ce thème suscitait lors de conférences données à ce sujet. D’où ma décision de rédiger une petite étude pour faire connaître à plus grande échelle cette authentique et si insigne relique, conservée à Valencia en Espagne.
L. et T. : Votre ouvrage est très didactique et destiné à l’édification intellectuelle et spirituelle des lecteurs, puisque vous l’avez présenté en chapitres courts et clairs qui permettent de parvenir à une connaissance complète de cet insigne Calice. Si vous le voulez bien, nous vous demanderons d’exposer un résumé de chacun d’eux. En premier lieu, quelle définition exacte pouvez-vous donner du Saint Graal ?
Abbé B. L. : Historiquement, c’est la coupe rituelle que Jésus a utilisée le soir du Jeudi Saint pour y consacrer son Précieux Sang.
L. et T. : Comment nous est-elle parvenue ?
Abbé B. L. : Par l’intermédiaire de saint Pierre qui l’a apportée avec lui à Rome, puis de saint Laurent, diacre, qui l’a faite parvenir en Espagne, d’où il était originaire, pour le sauver de la persécution de l’empereur Valérien.
L. et T. : A l’image d’un grand nombre d’autres reliques authentiques de Notre Seigneur, ce précieux calice a connu de multiples péripéties pour parvenir jusqu’à nous. Quel fut son itinéraire ?
Abbé B. L. : Il arriva donc en Espagne, au siège épiscopal de Huesca, qui dut, avec le Calice, changer souvent de lieu en raison des persécutions antichrétiennes, des vols des barbares et de l’invasion musulmane en 711. Il parviendra enfin au monastère de saint Jean de la Peña où des documents indiscutables attesteront de la présence du Saint Calice. Puis Martin l’Humain, roi d’Aragon, le fera parvenir dans son palais. Un de ses successeurs, Alphonse le Magnanime, le remettra en gage à la cathédrale de Valencia suite à la concession de fonds qu’elle lui fera pour subvenir à ses dépenses militaires … dépenses qui n’ont jamais été remboursées, d’où la présence du Calice dans la cathédrale de Valencia. Tel est son itinéraire, mais ici très résumé !
Cet itinéraire a été de nouveau suivi par le Saint Calice en 1958 pour le XVIIe centenaire de son arrivée en Espagne ; ce fut une magnifique marche triomphale en présence des plus hautes autorités civiles et religieuses, dans une immense ferveur populaire.
L. et T. : Et puis s’ajoutent un certain nombre d’autres questions plus techniques ou artistiques. Quelles peuvent-elles être ? En particulier, comment fut-il réalisé ?
Abbé B. L. : Il faut tout d’abord comprendre que le Calice, tel qu’il se présente aujourd’hui, est composé de trois parties :
              la Coupe supérieure, que Notre Seigneur utilisa, datée entre le IIe siècle avant JC et le Ier après JC ; le British Museum possède des coupes très semblables et estimées de cette époque.
              Le pied, qui est un vase originaire d’un atelier cordouan, dont la date se situe entre le Xe et le XIIe siècle ; s’y trouve gravée une très intéressante inscription arabe…
              Le nœud central, les anses et les fixations serties de pierres précieuses, qui sont l’œuvre d’un orfèvre gothique au XIIIe ou XIVe siècle.
Ces différentes pièces ont été montées au monastère de saint Jean de la Peña et n’ont jamais été modifiées depuis.
Avant l’étude du professeur Beltrán, l’erreur avait été de chercher une date commune aux trois pièces, ce qui est impossible. Il est à noter que le travail d’orfèvrerie est de très grande qualité et valeur, ce qui manifeste l’éminente estime dont jouissait la Coupe.
L. et T. : Cette réalisation effectuée, il a été l’objet de multiples interventions pour le conserver et le protéger. Quelles furent-elles ?
Abbé B. L. : Le Saint Calice a connu ses plus sérieuses tribulations lors de l’invasion des troupes napoléoniennes et de la guerre civile de 1936. On connaît parfaitement les lieux où il a été recueilli et les personnes, souvent héroïques, qui l’ont sauvé.
D’autre part, le 3 avril 1744, un chanoine de la cathédrale le fit tomber par mégarde. Il fut aussitôt réparé avec le plus grand soin.
L. et T. : Venons-en maintenant à la vénération qu’il aurait dû avoir. Or, vous dites qu’ « il paraît incroyable qu’une telle relique soit méconnue ! » Comment cette méconnaissance peut-elle être expliquée ?
Abbé B. L. : Notons tout de même qu’en Espagne le Calice a toujours été très vénéré ; l’art pictural de grands peintres comme Juan de Juanes ou Ribalta y a aussi contribué ; mais, de nos jours, l’impiété grandissante ne favorise pas la dévotion aux reliques, à tel point que même des habitants de Valencia ignorent que leur cathédrale possède un tel trésor, avant que des pèlerins étrangers ne le leur fassent découvrir ! De plus, le Graal mythique prend souvent le pas sur la réalité historique ; vous le constaterez en tapant « Saint Graal » sur un moteur de recherche internet…

Extrait du n° 48 – nouvelle série (avril 2015) de Lecture et Tradition
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