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L’analyse du communisme par Jean Madiran (1920-2013)

Entretien avec Danièle Masson (extrait)
Lecture et Tradition : Même si nous insistons auprès de nos lecteurs pour qu’ils prennent connaissance de votre ouvrage, il nous semble intéressant de revenir succinctement sur la période des quarante-cinq années que vous y avez étudiées (1945 à 1989), en particulier pour que vous nous disiez quels arguments vous ont convaincue dans la lecture d’Itinéraires, vous incitant à rejoindre les rangs de ce que vous partagez et défendez, désor­mais, avec enthousiasme et conviction depuis cette époque.
Danièle Masson : Quand, lors de mon année d’hypokhâgne, en 1961-1962, un professeur (de l’enseignement public !) m’abonna à Itinéraires, ce ne sont pas seulement des arguments qui m’ont convaincue. J’entrais dans un autre univers, avec des figures dont j’ignorais auparavant jusqu’aux noms : De Corte, Molnar, Salleron, Henri Charlier. Moi qui, lycéenne de gau­che, ne manquais aucune « manifestation pour la paix en Al­gérie », je lus dans Itinéraires « Le sang d’Alger », dernier article de Joseph Hours. Ces textes et ces auteurs emportaient non seulement la conviction, ils éclairaient plus qu’ils ne brillaient, et j’en reçus comme une évidence.
Ce qui m’a peut-être marquée le plus vivement, c’est l’analyse que Madiran faisait du communisme. Mes parents s’étant procuré une télévision en 1956 (j’avais douze ans), j’y vis l’écrasement du peuple hongrois ; les journalistes, non encore aguerris à la souffrance par la langue de bois, pleuraient d’impuissance ; je devins sentimentalement anticommuniste. Mais dans Itinéraireset dans ses livres, Madiran me donna les clés pour comprendre. Son originalité est double. D’abord, à la différence de François Furet et d’Alain Besançon, il ne cherche pas les origines intellectuelles du léninisme, ni à dissiper les illusions de l’Occident. Il voit dans le communisme non une erreur, mais une imposture, une volonté pervertie. D’où ses titres : La technique de l’esclavage, qui précède La pratique de la dialectique.
En quoi il rejoint Soljénitsyne : « L’idéologie a valu au XXe siècle d’expérimenter la scélératesse à l’échelle de millions ». Pour Soljénitsyne comme pour Madiran, l’idée vient après coup justifier « l’opportunisme dominateur d’une volonté de puissance ».
D’où l’intrinsèque perversité du communisme, expression de Pie XI dans son encyclique Divini Redemptoris, traduite et commentée par Jean Madiran, et qui sera reprise par l’orthodoxe Soljénitsyne dans L’erreur de l’Occident. La seconde originalité de Madiran, c’est son invincible capacité d’espérance : « Ne sous-estimons pas la nature humaine : il est certain que ce régime ne peut plus tenir. Ce qui chemine dans les profondeurs est susceptible de tout faire voler en éclats » (La vieillesse du monde, 1975). En quoi il rejoignait encore Soljénitsyne : « Avec des fissures s’effondrent les cavernes ».
 
Extrait du n° 29 – nouvelle série (septembre 2013) de Lecture et Tradition

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