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La tyrannie médiatique, par Jean-Yves Le Gallou

Extrait de la conférence prononcée aux 43èmes Journées Chouannes (Chiré-en-Montreuil), le 1er septembre 2013

La tyrannie médiatique traduit une situation selon laquelle les media, l’idéologie des media, la manière dont les media présentent les faits commandent les décisions politiques, les décisions judiciaires et les décisions militaires, parce que ce que disent les media, c’est ensuite ce qui rentre dans les cerveaux et c’est ce qui contrôle les cerveaux.
Alors je vais vous donner quelques exemples mais vous les vivez tous les jours, pris dans l’actualité de cet été où on voit quelques manœuvres, quelques techniques de contrôle de l’opinion toujours basées sur la négation des faits, la négation de la réalité.
Premier exemple : Au mois de juillet un train a déraillé à Brétigny-sur-Orge. Attentat ou accident ? Nous ne le savons pas mais avant que personne ne l’apprenne, on nous disait que c’était un accident. Or ce qui est extraordinaire, à la suite de cet accident, il y a eu des pillages, et y compris des agressions contre les sauveteurs et les médecins, ce qui a été quasiment totalement occulté par les grands media dominants, qu’il s’agisse des journaux ou des télévisions. On a eu une désinformation par occultation. On ne va pas dire qui sont les auteurs de ces pillages et de ces agressions, d’autant plus que, si on en parle, apprendra-t-on qu’il s’agit de jeunes. Là nous sommes dans un autre mode de désinformation qui est la désinformation par le vocabulaire, la désinformation par la novlangue, comme l’avait très bien conçu George Orwell dans son formidable roman par anticipation : « 1984 ».
Nous avons eu ensuite, toujours pendant l’été, une autre forme de dé­sinformation, par scénarisation. C’est l’opposition que l’on a présentée entre le ministre de la Justice, Madame Taubira et le ministre de l’Intérieur, Monsieur Valls. C’est un grand classique du théâtre politique : le ministre de l’Intérieur est ferme contre les délinquants et le ministre de la Justice est soucieux des droits et de la protection des criminels ; c’est un classique qui existe depuis 40 ans et que l’on ressert régulièrement. En fait, dans ce classique, il y a aussi l’opposition entre la gauche qui serait laxiste et la droite qui serait plus sévère. En vérité, quels que soient les gouvernements et les codes pénaux, il y a entre 62 et 68 000 personnes en prison, tout simplement car il n’y a pas plus de place et ce qui fait la régulation c’est le problème mobilier que le gouvernement soit de droite ou de gauche et que les ministres de l’Intérieur et de la Justice soient d’accord entre eux ou non. On est donc dans une double scénarisation entre l’opposition factice de l’UMP et du PS et entre une opposition non moins factice entre le ministre de l’Intérieur et celui de la Justice. La réalité des choses étant, on met en prison en fonction des places disponibles, sauf tout de même quelques privilégiés qui eux vont en prison pour des raisons politiques comme Nicolas Bernard-Busse (1), et quelques autres, car il y en a eu d’autres même s’ils ont été moins médiatisés.
En Syrie, c’est le coup des armes de destruction massive : il y a un tyran qui utilise des armes de destruction massive, c’est très méchant ; en revanche, les bombes à uranium c’est très sympathique, il n’y a pas de souci. Si vous écoutez ce que l’on nous dit, il y a eu le méchant Milosevic, puis le méchant Saddam, et maintenant, il y a le méchant Assad. Mais c’est toujours la même rengaine que l’on nous ressert sans aucun esprit critique, sans aucune innovation. Ils pourraient trouver de nouvelles idées !
Dernier élément : la désinformation par bobard, sur laquelle je vais revenir. Le terme « bobard de guerre » est apparu et s’est beaucoup développé durant la guerre de 1914, parce que la guerre nécessite le bobard et est le compagnon nécessaire de la guerre, voire son préalable. Le bobard précède le bombardement.
Un autre élément (qui date d’hier), c’est la désinformation par changement des chiffres. Vous savez qu’hier il y a eu une manifestation des Veilleurs. Comme l’AFP a écrit qu’il y avait 200 personnes, tout le monde a répercuté ce chiffre. Certains journaux régionaux ont expliqué, et cela c’est extraordinaire, que c’était un « baroud d’honneur », que c’était la fin de leur action. Que l’on ait parlé de baroud d’honneur pour les manifestations des mois de juin ou de juillet et notamment le 14 juillet, à la limite cela pouvait se comprendre : oui, c’est la fin d’un cycle, ils continuent d’agir avant de partir en vacances ; mais quand une manifestation démarre le 31 août, juste avant la rentrée, on n’est pas dans la logique d’un baroud d’honneur mais dans celle d’un combat qui continue. Or cela nous est évidemment présenté de manière totalement différente par les media du monde entier.
Ce qui est extraordinaire, c’est qu’on nous explique que nous avons des media « pluralistes » : nous avons Le Figaro qui donne la même information que Le Monde et Libération. Nous avons également le même écho chez TF1que chez Canal+ ou France 2. Pourquoi des media pluralistes disent-ils la même chose ? Parce qu’ils sont dominés par les mêmes forces. Il y a deux forces qui font les media et qui sont alignées : d’un côté l’argent, c’est-à-dire les personnes qui contrôlent le capital des media, et de l’autre ceux qui les payent, car ceux qui payent les media ce ne sont pas les lecteurs et les spectateurs, c’est la publicité. Il y a donc l’argent, et de l’autre côté, il y a, j’allais dire l’intelligence mais c’est un peu excessif, ce sont les journalistes qui font les media et qui communient dans la même idéologie, pas forcément pour les mêmes raisons mais qui communient dans la même idéologie.
1 – NDLR : Nicolas Bernard-Busse est un des Veilleurs pacifiques qui a été arrêté et incarcéré pendant quelques jours au début de l’été 2013.

Extrait du n° 36 – nouvelle série (avril 2014) de Lecture et Tradition
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