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Des livres pour les petits Chouans – Trois questions à trois auteurs

Éditions des Petits Chouans

Entretiens avec Francine Bay, Brigitte Lundi et Mechtilde Savigny

Francine Bay
Lecture et Tradition : Nous vous connaissons depuis une dizaine d’années, lorsque vous aviez publié vos premiers livres, en 2002-2004. Aujourd’hui, vient de paraître le quatorzième de vos titres qui sont tous destinés aux enfants. Pour quelle raison avez-vous choisi de vous adresser ainsi à de jeunes lecteurs ?
Francine Bay : Tout naturellement parce que j’ai toujours été entourée de nombreux enfants : les miens, les petits-enfants maintenant, ceux du catéchisme ou du Chapelet des Enfants que nous organisons chaque année en famille. Ils sont avides d’apprendre, c’est merveilleux de les voir se passionner par ce qu’ils découvrent… et c’est donc très motivant d’écrire pour eux ! Et puis il y a une urgence de transmettre au plus grand nombre d’entre eux tout le trésor de notre foi, de notre histoire chrétienne : ce sont leurs racines, il ne faut pas les leur voler, afin qu’ils puissent tenir bon dans le vent et les tempêtes !
Mais je suis heureuse également quand des parents ou grands-parents me disent qu’eux aussi ont appris des choses en me lisant : l’esprit d’enfance n’a pas d’âge !

Pour Dieu… avec Miguel

L. et T. : La plupart de vos précédents livres racontent la vie de saints connus (sainte Anne, Marie-Madeleine, Belles histoires de saints de France…) ou sont les récits de merveilleuses apparitions (L’Ile Bouchard, Notre-Dame du Laus…). Vous consacrez le dernier paru à un jeune Espagnol presque ignoré. Pourquoi avez-vous jugé nécessaire d’ainsi le « sortir de l’oubli » ?

F. B. : Il est vrai que certains de mes livres relatent souvent des faits bien connus ; mais j’ai beaucoup à cœur aussi d’y ajouter ce que souvent personne, ou presque, ne sait. Mon petit livre sur sainte Anne en est un bon exemple : bien sûr, tout le monde connaît les parents de la Vierge Marie ; mais rares sans doute sont ceux qui comprennent par exemple les magnifiques fresques de Giotto à Padoue, illustrant en détail la vie de sainte Anne et de saint Joachim… Mes jeunes lecteurs, eux, le sauront, et connaîtront aussi la passionnante histoire des reliques de sainte Anne conservées dans l’ancienne cathédrale d’Apt dans le Vaucluse, grand lieu de pèlerinage bien avant Sainte Anne d’Auray. De même, mes livres sur saint Bernard de Menthon (le fondateur des Hospices du Grand et du Petit Saint Bernard), ou sur les miracles eucharistiques, poursuivent le même but : faire connaître aux enfants et aux jeunes quelque chose qui pour eux sera vraiment nouveau… bien que très ancien : quelque chose d’un peu oublié, en somme.
Pour ce dernier livre sur Calanda, il s’agit là d’un miracle vraiment exceptionnel, qui a fait beaucoup de bruit au XVIIe siècle et a déchaîné les passions dans toute l’Europe, à la veille du siècle dit « des Lumières ». Encore maintenant les miracles sont souvent profondément méprisés par l’esprit positiviste. Pourtant, l’enquête concernant celui-ci a été menée avec une extrême rigueur ; c’est un modèle du genre. Après plusieurs siècles d’oubli, j’ai pensé qu’il était urgent de lui faire franchir à nouveau les Pyrénées !
L. et T. : Dans le cours de votre récit, vous soulignez la part essentielle prise par Notre-Dame del Pilar. Ce nom et cette dévotion, très populaires en Espagne, le sont beaucoup moins chez nous, en France. Voudriez-vous, pour nos lecteurs, en résumer ici la belle histoire ?
F. B. : Avec quelques compagnons, l’apôtre saint Jacques tentait sans grand succès d’évangéliser l’Espagne.
Au tout début de l’an 40, la Vierge Marie, de son vivant, lui apparut dans la ville de Caesaraugusta (Saragosse) pour lui rendre courage. Elle lui désigna le pilier (= pilar) de marbre sur lequel elle se trouvait en lui demandant de construire là une église en son honneur, où Notre Seigneur accomplirait des merveilles par son intercession.
Le pilier, conservé depuis avec la plus grande vénération, se trouve actuellement dans l’immense et magnifique basilique Notre Dame del Pilar de Saragosse, visitée chaque année par des milliers de pèlerins. C’est le plus important sanctuaire marial d’Espagne et, peut on dire, le plus ancien sanctuaire marial de la Chrétienté.
Une des rues qui le longe s’appelle « rue du miracle de Calanda » ; c’est dire l’importance de ce miracle qui eut lieu en 1640, alors qu’on fêtait à Saragosse le 1600e anniversaire de la venue de la Vierge Marie.
Brigitte Lundi

Pour Dieu et le Roi… avec Cathelineau

Lecture et Tradition : Avec la publication de Pour Dieu et le Roi… avec Cathelineau, paraît le deuxième volume d’une série de petits livres consacrés aux principaux chefs des Armées catholiques et royales qui se sont illustrés pendant l’exceptionnelle épopée de la Vendée Militaire (le premier portant plutôt sur l’histoire des guerres de Vendée en général). Est-ce pour vous un domaine de prédilection ?

Brigitte Lundi : Ce n’est pas le premier sujet que j’ai traité quand j’ai commencé à écrire. Étant d’origine vendéenne, j’ai toujours entendu parler des guerres de Vendée et vu aussi les souvenirs que mon grand-père conservait précieusement. C’est lui qui nous a transmis la fierté de cet héritage. J’avais écrit quelques histoires pour enfants mais je ne pensais m’orienter spécialement et tout de suite vers cette période de l’Histoire. C’est François-Xavier d’Hautefeuille qui m’a mis le pied à l’étrier en me demandant d’écrire pour le rayon enfant que voulait lancer Chiré. Maintenant que les deux premiers tomes sont disponibles, oui c’est devenu un des mes sujets de prédilection. Car il s’agit pour moi, Vendéenne, de transmettre cette épopée française et chrétienne comme on me l’a transmise.
L. et T. : En fin de volume, après la mort de Cathelineau, vous relatez les circonstances d’une guérison miraculeuse obtenue grâce à son intercession. Un tel fait, bien réel, pourrait légitimement justifier qu’il soit béatifié. Son attitude, ses engagements et ses prises de position durant les quatre mois de sa lutte « pour Dieu et le Roi » dans les armées vendéennes peuvent-ils lui valoir le privilège d’accéder à une telle marque honorifique ?
B. L. : Oui, totalement. Quand on lit les témoignages de gens qui l’ont connu, il est présenté comme un homme pieux, droit, honnête, en qui on pouvait faire confiance et à qui on demandait souvent conseil. Il a pris les armes parce qu’il fallait défendre la Foi catholique en France contre la république apostate. Il n’a jamais cherché à se mettre en avant, même si bien des succès ont été dus à son intervention. Il suivait le mot de sainte Jeanne d’Arc : « Messire Dieu, premier servi ». Il était surnommé le « Saint de l’Anjou » et c’était amplement justifié. Sa famille et ses proches ont du le prier tout de suite après sa mort. A la fin du XIXe siècle, un dossier de béatification était en cours de préparation. Sans doute, des faveurs avaient-elles été obtenues par l’intercession de Jacques Cathelineau pour qu’on puisse penser déjà à une éventuelle béatification. Malheureusement, tout fut perdu lors des bombardements alliés sur Angers en 1944 ; l’évêché a brûlé avec le dossier qui était sur la table de chevet de l’évêque. J’ai inventé le miracle ci-dessus pour inviter les lecteurs à prier Cathelineau et relancer ainsi la cause de sa béatification. En ces temps troublés que notre pays traverse, il est un exemple de père de famille et de chef chrétien.

Pour Dieu… avec Sainte Philomène

L. et T. : Vous venez, par ailleurs, de consacrer un très joli petit livre de 32 pages (délicatement illustré en couleurs par Elisabeth Cuegniet) à sainte Philomène, qui présente la caractéristique d’être rédigé en vers. Pour quelle raison avez-vous choisi cette forme littéraire ?

B. L. : Les parents soucieux de l’éducation de leurs enfants veulent leur offrir de beaux livres, c’est-à-dire de belles histoires, de saints, de héros souvent, avec de beaux dessins évidemment, mais surtout des livres bien écrits. La poésie fait partie du beau langage français. Les enfants ne sont pas rebutés par des vers qui racontent une histoire (Il suffit de regarder les Fables de la Fontaine). Ils peuvent l’apprendre par cœur et la réciter, ce qu’ils font d’ailleurs. Je l’ai vu avec mes propres enfants. De plus, au même titre qu’un beau dessin, la poésie est un apprentissage de la contemplation, par l’agencement des mots, le rythme et surtout la rime. Un enfant répète les vers qu’il aime sans se lasser, les tourne, les retourne dans sa bouche et en retire toute la beauté. Cela est moins évident avec la prose. Enfin, pour une raison plus terre-à-terre, la poésie permet une certaine originalité car les livres pour enfants sont quasiment tous écrits en prose.
Mechtilde Savigny
Lecture et Tradition : Depuis un certain nombre d’années, nous connaissons vos talents de dessinatrice et d’illustratrice, en particulier pour les livres de Brigitte Lundi évoqués ci-dessus et quelques autres parus aux Éditions de Chiré. Vos qualités artistiques sont elles seulement innées ou êtes-vous contrainte de « sans arrêt sur le métier remettre votre ouvrage » ?
Mechtilde Savigny : J’ai toujours aimé le dessin ; cela fait partie d’une certaine culture familiale. C’est là qu’est née ma passion. Malheureusement je n’ai pu prendre des cours que sur le tard. Pour moi le dessin et la peinture évoquent des moments de sérénité et d’évasion. Cependant il y a une différence entre le dessin plaisir et le sujet imposé. Et là je dois avouer que j’ai dû davantage travailler ; d’abord pour faire abstraction de tous les clichés déjà vus (que ce soit sur les guerres de Vendée ou sur la Messe), ensuite pour créer du nouveau, ce qui demande un effort et une concentration particulière. J’espère qu’une certaine habitude de ce travail me permettra d’être de plus en plus à l’aise, ce qui rendra mes dessins plus naturels.

Missel pour Tout-petit

L. et T. : Une nouvelle collection « Livres pour tout-petit » vient d’être lancée et de vous être confiée aux Éditions des Petits Chouans, avec un premier titre publié intégralement sous votre seul nom : un Missel pour Tout-Petit. Pour quel motif avez-vous estimé la nécessité de mettre ces petits livres à la portée des très jeunes enfants (à partir de 2 ou 3 ans environ) ?

M. S. : Certains parents de très jeunes enfants m’avaient fait remarquer qu’on ne trouvait pas de missel cartonné pour tout-petit. D’autre part les Éditions des Petits Chouans étaient régulièrement sollicitées à ce sujet. Aussi ai-je essayé de composer un petit ouvrage répondant à cette demande. Ce petit missel est destiné à initier le premier âge à la découverte du mystère de la messe. Il s’agit de la messe tridentine. Certaines pages représentent les gestes liturgiques les plus importants du rite traditionnel et d’autres essaient de projeter l’enfant dans le sens de la messe par des images d’Évangile où nos jeunes fidèles sont figurés et actifs. Je dirais que ce modeste livret s’adresse aux enfants dès 12 mois si leur maturité le permet.
L. et T. : D’autres volumes sont annoncés pour paraître dans cette collection. Pouvez-vous en préciser les titres actuellement en préparation et indiquer approximativement les dates de leur publication ? Sur la 4e page de couverture du Missel, vous invoquez la protection de Notre-Dame de la Bonne Garde : quel est pour vous le motif de cette dévotion ?
M. S. : Pâques pour Tout-petit, devrait paraître peu avant la prochaine fête de Pâques ; au printemps 2015, Chapelet pour Tout-petit ; Noël pour Tout-petit devrait sortir pour Noël 2015. pour le reste je n’ai pas encore programmé les trois autres annoncés (Prières, Chemin de Croix, Histoire Sainte pour Tout-petit). Ils seront sans doute prêts au cours de l’année 2016. Il faut arriver à concilier la vie familiale avec une activité qui, quoique plaisante et malgré ses imperfections, réclame du temps et de la concentration.
La dévotion à Notre-Dame de la Bonne Garde est une dévotion très ancienne et traditionnelle dans ma famille. L’objet du culte est une magnifique statue en bois, retrouvée miraculeusement au XIIIe siècle par des bergers dans la région de Blois. Le comte et la comtesse de Blois firent édifier un monastère de Clarisses sur le lieu et la statue fut solennellement placée sur l’autel de l’église du couvent où elle demeura jusqu’à la Révolution. A cette époque troublée, elle passa en plusieurs familles jusqu’à arriver en 1878 chez une stigmatisée bretonne, Marie-Julie Jahenny. Cette dernière, lors d’une apparition de la Sainte Vierge eut la révélation des origines de cette statue : sculptée par un pauvre infirme, elle fut après lui vénérée dans la famille de ses maîtres, puis chez un prêtre qui n’ayant pas de successeur ni de famille chrétienne, plaça la Vierge dans une sorte de petit caveau sur l’ordre de la Mère de Dieu elle-même. C’est là qu’elle devait être retrouvée après manifestation d’une flamme mystérieuse.

Propos recueillis par Jérôme SEGUIN

Extrait du n° 43 – nouvelle série (novembre 2014) de Lecture et Tradition
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