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Allons-nous vers la fin de l’espèce humaine ? Entretien avec Jean-Pierre Dickès

Extrait de l’entretien paru avec le docteur Jean-Pierre Dickès au sujet de son dernier livre : La fin de l’espèce humaine (Editions de Chiré, novembre 2015).


Jean-Pierre Dickès est médecin. Il s’est fait connaître notamment en apportant son efficace contribution à la direction de l’ACIM (Association catholique des infirmières et médecins) (1), au sein de laquelle il dirige (depuis l’année 2000) la publication, les Cahiers Saint-Raphaël. Il a, entre autres, publié deux livres importants, L’Homme artificiel (Editions de Paris, 2007), rédigé en collaboration avec sa fille Godeleine Lafargue, docteur ès lettres, puis (en 2012) L’Ultime transgression : refaçonner l’homme (aux Éditions de Chiré ; réimprimé en 2013, dans une édition revue et augmentée). Dans ces deux livres, il mettait en garde contre une technologie qui est probablement en train de détruire l’espèce humaine et tend à créer une intelligence artificielle, « programmée » pour remplacer l’homme lui-même.

Aujourd’hui, il publie un troisième volet pour apporter un complément d’information à cette question qui devient dramatique et « progresse » à une vitesse vertigineuse : La fin de l’espèce humaine, au long duquel il passe en revue ces technologies dévastatrices que l’on peut même qualifier de diaboliques : robotique, bionique, biologie, génétique… Après le très éclairant entretien qu’il nous avait accordé (cf. notre numéro 19,novembre 2012) au moment de la sortie de son précédent ouvrage, nous lui avons demandé de bien vouloir nous présenter le contenu de sa dernière étude.
Lecture et Tradition : Votre « L’Ultime transgression » est parue en 2012. Cela signifie qu’en trois années seulement, vous avez trouvé matière à  apporter de quoi rédiger un nouveau livre de 350 pages (2). C’est impressionnant et, en même temps, très inquiétant. Le danger est-il aussi pressant que cela ?
Jean-Pierre Dickès : En réalité, il est bon de se reporter sur le plan sociologique et idéologique à l’ouvrage publié, il y a sept ans, avec ma fille Godeleine Lafargue, docteur en philosophie. Le titre se suffit à lui-même. C’est « L’Homme Artificiel ». La perspective n’a pas changé. Prenons une comparaison. Nous vivons sur un terreau éminemment pollué. C’est le « mal » au sens biblique du terme dont le Nouvel Ordre Mondial est actuellement l’aspect majeur. Il y pousse une plante vénéneuse dont des branches sont celles de la science ; elle se développe par une sève dont la séduction se nomme « profit » et « ambition ». Les fruits qu’elle fait éclore se parent de toutes les vertus thérapeutiques et nutritionnelles : ils sont supposés guérir tous les maux de l’humanité par la technique.
Un certain nombre des fruits portés par la science sont impropres à la consommation ou empoisonnés et poussent sans cesse. Il suffit de les cueillir régulièrement pour le savoir. Effectivement, ils se développent à une vitesse fulgurante. Il arrive un moment où ces fruits sont mortels. Ma démarche est de mettre en garde l’espèce humaine contre ces fruits corrompus. Cet empoisonnement progresse à une vitesse incroyable dans l’indifférence quasiment totale. La sève de tels arbres a pris dans l’histoire du monde des formes diverses appelées « idéologies » coupant l’homme du réel en le grisant littéralement. Son dernier avatar est le transhumanisme qui entend contrôler la vie de l’infiniment petit à l’infiniment grand et créer un homme nouveau et immortel. Finalement, nous retrouvons la pomme, symbole du mal tentateur proposée à nos premiers parents : « vous serez comme des dieux ».

L. et T. : L’un de vos chapitres, « Combattre le vieillissement » pose la question : Un pas de plus vers l’immortalité des corps a-t-il été écrit ? Veuillez bien nous en dire plus à ce propos.
J.-P. D. : Il s’agit pour l’homme de prendre le contrôle de l’Arbre de Vie tel qu’il est décrit dans le premier chapitre de la Genèse. Tentation prométhéenne vieille comme le monde et agissant comme le miroir aux alouettes. Pensez donc ! Les transhumanistes nous promettent l’immortalité terrestre qu’ils voient très proche, compte tenu des progrès effectués en biologie, en génétique et en robotique. En quelque sorte la mort de la mort, effets de manches garantis. Il y a dans cette manière de voir, un côté baba-cool témoignant d’une grande naïveté. En effet, nous pouvons tous mourir demain en ratant une marche d’un escalier. N’est pas Faust qui veut ; et encore moins Dieu le Père. Il est évident que l’espérance de vie va augmenter encore. Mais nous ne sommes pas à l’abri de voir disparaître l’humanité infectée par un virus ayant muté spontanément ou artificiellement ; mais aussi détruite par un changement climatique ou un météorite tombant sur la planète.
Le God Syndrome des gens qui se prennent pour Dieu a évacué l’ontologie, la réflexion philosophique, théologique et la métaphysique. D’où la nécessité pour les hommes de réfléchir à leur destin. L’idéal transhumaniste est, bien sûr, de transformer toute l’humanité en machine. En attendant, les recherches se centrent sur le rajeunissement du corps par l’implantation de cellules souches : nous en sommes à la régénération d’organes. Mais de multiples recherches notamment en génétique et bionique posent la question de la survie de l’humanité à court terme. Je donne des dizaines d’exemples de découvertes toutes récentes qui, rassemblées, évoquent véritablement le monde pictural de Jérôme Bosch par un ensemble de petits tableaux. Chacun d’entre eux ouvre une porte vers l’indicible, l’effroyable, la fin de l’espèce humaine.
L. et T. : Vous vous penchez sur un autre sujet qui fait frémir : « A la découverte d’un nouveau monde : la vie synthétique ». Qu’entendez-vous par là ?
J.-P. D. : Il y a là un des aspects les plus inquiétants. Notre ADN est formé de quatre acides aminés composant la fameuse hélice torsadée. L’idée est de synthétiser des organismes nouveaux en créant de nouvelles séquences d’ADN ou en modifiant celles qui existent déjà. Cela se nomme la chirurgie du gène pour laquelle vient d’être découvert un véritable « couteau ». De nouveaux microbes ont ainsi été mis au point par des docteurs Folamour. De plus, deux nouveaux acides aminés n’existant pas dans la nature ont été inventés. Ils sont insérés dans la chaîne d’ADN. Ainsi, il est désormais possible de créer des organismes inconnus dans notre univers. Les Chinois ont déjà modifié des embryons de cette manière. Une forme de Jurassic Park à l’échelon humaine.
L. et T. : Ainsi, pourrions-nous, à brève échéance, nous trouver en face du surhomme ?
J.-P. D. : Un tel homme existe déjà. C’est un garçon s’appelant Connor Lévy dont le génome a été purgé de toute anomalie entraînant des maladies. Il s’agit bien de faire une sélection génétique destinée à obtenir un homme parfait. Elle se fait déjà au niveau embryonnaire par le diagnostic préimplantatoire et aussi l’avortement dit médical visant à littéralement filtrer l’humanité, la sarcler. Tel était le rêve des idéologues comme Staline, Hitler, les philosophes de la Révolution comme Marat ou Onfroy de la Mettrie. Ces gens appellent de leurs vœux la création d’une humanité entièrement nouvelle. (lire la suite dans notre numéro)
1 – 2 route d’Equihen, 62360 Saint-Etienne-au-Mont. Tél: 03 21 10 52 11, courriel : jpdickes@gmail.com.
2 – Enrichi d’un copieux index, ce qui en fait au total 368 ! (Editions de Chiré). NDLR
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Extrait du n° 55 – nouvelle série (novembre 2015) de Lecture et Tradition
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